Le Meilleur de la BD : « Un triptyque exceptionnel de Raphaël Meyssan »

Une critique d’Éric Guillaud, sur Les Damnés de la Commune, le 11 décembre 2019

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Les Damnés de la Commune, un triptyque exceptionnel de Raphaël Meyssan

Noël approche et vous séchez affreusement côté cadeaux ? Pas de panique, les Chroniques de Noël sont là pour vous venir en aide avec des bandes dessinées qui pourraient bien faire de l’effet au pied du sapin. Comme celle-ci, Les Damnés de la Commune, une histoire de la Commune racontée à partir d’authentiques gravures de l’époque…

On vous le disait à la parution du premier volet en décembre 2017, c’était un boulot de titan, un boulot de dingue, qui attendait l’auteur Raphaël Meyssan. Au risque qu’il n’en voit pas le bout, qu’il abandonne devant la difficulté de l’entreprise. Mais non, Raphaël Meyssan est bien allé jusqu’au terme de son projet, livrant en cette fin d’année le troisième et dernier volet d’une aventure pas comme les autres.

Et toujours avec le même principe : raconter l’histoire d’un communard et à travers lui l’histoire de la Commune dans une BD exclusivement réalisée avec des gravures de l’époque.

Tout est parti, nous explique l’auteur-narrateur dans les premières pages de l’album, d’une étrange découverte à la bibliothèque historique de Paris. Dans un livre ancien, une adresse, 6 rue Lesage, la sienne précisément. Et un nom, Charles Lavalette, sergent du 159e bataillon pendant le siège de Paris, promu commandant par la Commune, un gars qui semble avoir compté à époque mais qu’on a complètement oublié, comme tant d’autres, aujourd’hui.

« Il y a avait dans mon immeuble, dans mon quartier si éloigné du centre de la cité, une histoire. Une toute petite histoire, effacée par le temps. Celle d’un homme inconnu enfouie dans une histoire méconnue : la Commune de Paris de 1871 ».

Piqué par la curiosité, Raphaël Meyssan plonge dans les archives papier, consulte des journaux, des centaines de journaux, et des gravures. Pendant des mois, des années, il cherche, trie, engrange, jusqu’à se demander quoi en faire ?

« Je suis parti à sa recherche comme on part en voyage. J’ai bourlingué dans le temps , parcouru les rues pour retrouver sa trace, arpenté des livres pour rattraper sa vie. Au milieu des archives, j’ai cherché son histoire. »

Son histoire, il la raconte finalement en BD mais d’une façon peu orthodoxe. Il faut préciser que Raphaël Meyssan ne sait absolument pas dessiner. Alors, son regard, son pinceau, son trait, il les trouvera dans les gravures de l’époque qu’il scanne, avant de recadrer, grossir, retourner, mettre en cases et ajouter le texte, exactement comme dans une bande dessinée classique.

Et il nous raconte ainsi l’histoire de cet homme, Lavalette, mais aussi et surtout l’histoire de la Commune, la République assiégée, l’insurrection du 31 octobre, le siège de Paris, la faim, le froid, la mort, le lait coupé à l’eau ou au plâtre, les animaux du zoo du Jardin des plantes qu’on abat pour avoir un peu de viande, Gustave Flourens, Auguste Blanqui, Jules Ferry….

Un travail extraordinaire qui devrait donner lieu à une adaptation audiovisuelle sur Arte dans le cadre de la commémoration des 150 ans de la Commune en 2021.

Éric Guillaud

 
 

(À lire sur le blog d’Éric Guillaud.)