La Libre Belgique : « Un récit empreint de lyrisme et de poésie »

Caroline Gourdin signe une belle critique du film dans le quotidien belge du 23 mars 2021.

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La Commune de Paris racontée dans un récit graphique puissant

Ce documentaire est un ovni, un bijou, une fresque qui pourrait être largement diffusée dans les écoles. Pour comprendre cet épisode de la Commune de Paris, survolé dans les livres d’Histoire. À l’occasion des 150 ans de cette insurrection populaire, les commémorations se multiplient. Arte y apporte sa touche créative et pédagogique au travers de ce film documentaire animé d’une heure et demie qui ne peut laisser indifférent : Les Damnés de la Commune.

Gravures d’époque

Adapté par Raphaël Meyssan lui-même de son roman graphique éponyme en trois volets (éditons Delcourt), ce récit empreint de lyrisme et de poésie propose une immersion inédite dans cette révolution qui dura 71 jours, avant d’être réprimée dans le sang par l’armée. À l’image, les gravures d’époque en noir et blanc s’animent. « À l’image de La Jetée, le court métrage de science-fiction de Chris Marker, réalisé à partir de photographies, je me suis attaché au souffle de la narration pour tenir le spectateur en haleine. Avec le scénariste Marc Herpoux, nous avons travaillé le suspens, la construction des personnages, les rebondissements... sans romancer. L’autre défi consistait à rendre ces dessins vivants. Cela pass par le travail des monteurs, celui du studio d’animation Miyu, mais aussi par les bruitages et la formidable bande-son tout en trompettes et en violons, signée Yan Volsy et Pierre Caillet », précise Raphaël Meyssan.

Le récit démarre à la fin des années 1860. Alors que Napoléon III a chargé le préfet Haussmann de moderniser la capitale pour en faire le paradis de la grande bourgeoisie, les loyers augmentent, la misère s’accroit et les pauvres sont forcés de s’éloigner vers la périphérie. Tandis que la contestation populaire prends de l’ampleur, l’Empereur déclare la guerre à la Prusse. Début septembre 1870, Napoléon III est fait prisonnier, l’empire s’effondre, la République est proclamée, et le gouvernement d’Adolphe Thiers installé à Bordeaux négocie la paix avec les Prussiens, leur cédant l’Alsace et la Lorraine.

Victorine, membre du Bataillon des enfants perdus

Les Parisiens, eux, refusent de se rendre et proclament, après élection, la Commune de Paris le 18 mars 1871. Le régime dont fait partie Jules Ferry, le maire de Paris, fuit à Versailles, et les communards instaurent une démocratie participative, actant la séparation de l’Église et de l’État, l’école laïque, obligatoire et gratuite, la reconnaissance de l’union libre, etc. Une série de réformes sociales qui seront finalement instaurées plus tard, dans la durée, par la IIIe République (1870-1940).

Pour bâtir un fil conducteur, Raphaël Meyssan s’est beaucoup inspiré des Mémoires de Victorine Brocher, une mère de famille d’une trentaine d’années qui fut cantinière puis ambulancière d’un bataillon de fédérés. Elle échappa à la répression, parvenant à se cacher (puis à fuir en Suisse) au terme de la Semaine sanglante qui vit environ 20 000 personnes exécutées en mai 1871, et enterrées dans des parcs parisiens, tandis que 40 000 autres furent faites prisonnières et 4 500 déportées en Nouvelle-Calédonie.

La comédienne Yolande Moreau apporte un supplément d’âme en prêtant sa voix à cette communarde, aux côtés d’une douzaine de comédiens qui incarnent en voix off des personnages historiques tels que Gustave Courbet (Charles Berling), Louise Michel (Sandrine Bonnaire), Georges Clemenceau (Denis Podalydès), Victor Hugo (Jacques Weber)... On retrouve encore dans ce casting prestigieux Simon Abkarian (le narrateur) ou Fanny Ardant (la mère de Victorine).

Raphaël Meyssan raconte la Commune uniquement avec des gravures de cette époque.

Caroline Gourdin