L’Humanité : « Un témoignage vivant de ce que peut être la recherche »

L’historien Jean-Louis Robert, spécialiste de la Commune de Paris de 1871, signe une belle critique de la bande dessinée de Raphaël Meyssan, dans le quotidien du 18 décembre 2017

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Bande dessinée

Le Paris graphique de la Commune de Paris

Raphaël Meyssan se lance sur les traces d’un communard dans les années 1860 et 1870.

Les Damnés de la Commune, volume 1, À la recherche de Lavalette, Raphaël Meyssan, Delcourt, 144 pages, 24 euros


C’est une très belle BD que nous livre un jeune auteur plus que prometteur. La Commune a fait l’objet (bien plus que le cinéma de fiction, qui l’ignore, malheureusement) de nombreux volumes de bande dessinée. Mais ici la démarche est extrêmement originale et novatrice, tant du point de vue du scénario que du point de vue graphique. Découvrant qu’il réside dans un immeuble de Belleville où a habité un communard très mal connu, Gilbert Lavalette, l’auteur se lance sur ses traces dans le Paris des années 1860 et 1870. Ce qui nous vaut un regard où se croisent une recherche historique sensible, une quête biographique avec toutes ses difficultés (du Maitron aux Archives, en croisant le témoignage de Victorine Brocher) et une reconstitution palpitante du Paris d’avant la Commune (le volume s’arrête au 18 mars). Le souci du respect rigoureux de l’histoire ou des faits historiques marque cet ouvrage, qui est aussi un témoignage vivant de ce que peut être la recherche, quand elle ne se sépare pas de la compréhension sensible. L’empathie n’interdit pas, ne doit pas interdire la critique.

Un imaginaire riche et complémentaire au récit

L’originalité graphique est marquée dans le choix très fort de Raphaël Meyssan de réaliser entièrement son travail avec des gravures issues des journaux illustrés et des images d’époque retravaillées pour s’adapter aux faits racontés. Ce qui nous plonge, de manière formidable, dans le Paris du siège et de la Commune, en évitant cet anachronisme qui est le risque de toute BD. Certes, l’oeuvre originale d’un dessinateur apporte un imaginaire riche et complémentaire au récit. Ici, plus modestement, l’auteur laisse la place à la source de l’époque, qu’il enrichit de son regard. Mais qui était donc Lavalette ? Vous le saurez en lisant ce passionnant roman graphique où vous irez des Folies-Belleville en 1868 aux Archives de la guerre à Vincennes, en 2017, de la manifestation devant l’hôtel de ville du 31 octobre 1870 à l’émouvante tombe de Lavalette au cimetière de Bagneux, du modeste logis ouvrier de Victorine à l’insurrection du 18 mars 1871. Nous attendons la suite avec impatience.

Jean-Louis Robert
Historien

 

 

(La critique de Jean-Louis Robert sur Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan, à lire dans L’Humanité du 18 décembre 2017)