Michèle Audin : « Raphaël déploie une formidable imagination de moyens narratifs »

Michèle Audin, auteure du roman Comme une rivière bleue (L’arbalète/Gallimard, 2017) sur la Commune de Paris, présente le tome 2 des Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan, le 2 mai 2019

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« Les Damnés de la Commune », de Raphaël Meyssan

Gilbert Lavalette, membre du comité central de la garde nationale, habitait rue Lesage, à Belleville. Raphaël Meyssan habite rue Lesage, à Paris dans le vingtième arrondissement. Ce voisinage, à près de cent cinquante ans de distance, est à l’origine des recherches que l’un a menées sur l’autre, et ainsi des Damnés de la Commune, dont Raphaël a fait paraître, en mars, le deuxième volume, Ceux qui n’étaient rien. Deuxième d’une trilogie — j’ai mentionné le premier rapidement dans un article « livres » plus ancien — le troisième dernier devrait paraître avant la fin de l’année.

Ce sont des bandes dessinées.

— Sauf que Raphaël Meyssan ne dessine pas.

— Ah !

Je voulais vous expliquer ce qu’il fait, mais il le fait tellement mieux. Je renvoie donc à son site. Et je vais être brève.

Sachez quand même que ces deux volumes sont extrêmement documentés, textes et images.

Sachez aussi que Raphaël a appelé à son aide — car son voisin Lavalette ne se raconte pas beaucoup — nos amies Victorine (celle du joli livre Libertalia) et Alix (dont vous avez lu les lettres dans plusieurs articles de ce site) Que ce deuxième tome « raconte » une histoire qui commence le 19 mars (1871) et se termine, à la fin de la bataille du fort d’Issy, le 9 mai.

Et que Raphaël déploie une formidable imagination de moyens narratifs et de réponses à la question : comment mobiliser des gravures, qui n’ont en général pas été faites pour ça, pour leur faire raconter cette histoire. Il donne quelques beaux exemples issus du premier volume des Damnés de la Commune dans la partie « atelier » de son site. Très simple et frappante est la page de ce deuxième volume qui raconte la mort de Gustave Flourens — la tête fendue d’un coup de sabre…

*

Un petit commentaire d’actualité, pour celles et ceux qui continuent à aimer Paris en aimant son histoire.

Comme elles et ils le feront sans doute, je me suis longuement arrêtée à regarder la vue aérienne du centre de Paris qui occupe les pages 10 et 11 du livre. Bien sûr, ce n’est pas une vue d’avion ! Cela s’appelait d’ailleurs une vue « à vol d’oiseau ». On y voit de droite à gauche la colonne du Châtelet, le Louvre et les Tuileries, au loin l’Arc de triomphe, le dôme des Invalides, les églises Saint-Germain-des-Prés, Saint-Sulpice et Saint-Séverin, plusieurs cheminées d’usines, on y devine aussi l’activité sur la Seine, le long du quai de la Mégisserie certainement des mégissiers… Raphaël utilise cette belle image pour illustrer le moment de mars 1871 où le Comité central de la garde nationale fait la révolution… en organisant des élections. L’image, qu’il a choisie et recadrée pour le livre, est bien plus ancienne. Elle date même d’avant 1854 puisque le pont d’Arcole est encore un pont suspendu, puisque les bâtiments de l’Hôtel-Dieu sont encore du côté de la rive gauche et puisque bien des petites rues de la Cité subsistent.

Au risque de déplaire à Raphaël, je vous montre (une mauvaise reproduction de) l’image complète, non recadrée. Le tout premier plan montre que le dessinateur, Jean-Jacques Champin (mort en 1860), était monté dans le clocher de Saint-Louis-en-l’Île, comme le titre de l’image l’indique. Elle est parue dans le livre Tableau de Paris, d’Eugène Texier en 1852 (on trouve ce livre sur Gallica) en 1852.

Vous pouvez cliquer pour l’agrandir et regarder, bien sûr, ce que vous attendez dans ce paragraphe, la cathédrale Notre-Dame de Paris est là, au premier plan, telle qu’avant Viollet-le-Duc.

Je ne suis pas sûre que Notre-Dame ait été sérieusement menacée pendant la Commune, notamment à cause de la proximité de l’Hôtel-Dieu, justement, qui abritait de nombreux malades et blessés. Sachez en tout cas que Lavalette, celui de Raphaël, a été de ceux grâce auxquels l’incendie a été évité. Mais… ce sera dans le troisième tome des Damnés de la Commune.

*

J’avoue me sentir très proche, non des moyens graphiques utilisés, bien sûr, mais de la façon qu’a Raphaël d’aborder l’histoire, celle de « ceux qui n’étaient rien ». Il y a, sur le site de Raphaël, plusieurs liens vers des articles de presse consacrés à ses livres. L’un de ces articles traite à la fois de Comme une rivière bleue et du premier volume des Damnés de la Commune (que j’ai mentionné rapidement dans un article « livres » plus ancien).

Michèle Audin

 

 


Livres cités

Meyssan (Raphaël), Les Damnés de la Commune, 1-À la recherche de Lavalette, Delcourt (2017), — 2-Ceux qui n’étaient rien, Delcourt (2019).

Brocher (Victorine), Souvenirs d’une morte vivante, Une femme dans la Commune de 1871, Libertalia (2017).

Mémoires de femmes mémoire du peuple, Anthologie réunie par Louis Constant, Petite collection Maspero (1978).

Texier (Edmond), Tableau de Paris ; ouvr. ill. de quinze cents gravures d’après les dessins de Blanchard, Cham, Champin… [et al.], Paulin et Le Chevalier (1852-1853).

Audin (Michèle), Comme une rivière bleue, L’arbalète-Gallimard (2017).

 

 

(Lire l’article de Michèle Audin sur son passionnant blog consacré à la Commune de Paris de 1871)