Positive Rage : « Captivant et édifiant, il rend hommage aux oubliés de l’Histoire »

Une critique du tome 3 des Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan, le 4 janvier 2020

Imprimer Partager sur Facebook Partager sur Twitter

Après 72 jours passés à rêver une autre France, une France républicaine, plus juste et libre, les communards doivent faire face à la riposte des versaillais, qui parviennent, aidés par les Allemands (qui les laissent pénétrer en zone neutre et libèrent 50 000 de leurs prisonniers), à enfoncer les barricades. C’est la déroute. L’hôtel de ville, le ministère des finances ou le palais des Tuileries sont en feu. Des femmes, des vieux, des hommes résistent héroïquement ici ou là pour que le drapeau rouge de l’insurrection continue de flotter. Les derniers combats ont lieu dans le cimetière du Père Lachaise où les versaillais sont venus traquer les derniers insurgés, fusillant 157 d’entre eux contre un mur resté dans l’Histoire comme le « mur des fédérés ». On suit Victorine dans cette traversée lugubre et ensanglantée de Paris. La capitale est en ruines, l’horreur partout. Au milieu des débris, on fusille, à tours de bras. Dans les parcs, dans les prisons, dans les mairies. On viole aussi. Paris se couvre d’abattoirs et de charniers. Les corps, parfois pas encore complètement morts, sont enterrés à la va-vite, pieds et mains affleurent quelques fois de la terre. Puis il y a les délations. Et les rafles. Et enfin les procès de ceux qui ont mené l’insurrection. Trinquet, Ferré, Michel... Lavalette, le « voisin » de Meyssan, est-il mort ? A-t-il été arrêté et envoyé en prison ? Non, dans les archives d’une église, Meyssan retrouve sa trace 150 ans après : il a été caché dans un hôpital par un docteur qu’il avait aidé puis exfiltré vers la Suisse...

Suite et fin de cette extraordinaire BD. Dans tous les sens du terme car Les Damnés de la Commune est une bande dessinée bien singulière, Meyssan n’ayant utilisé que des gravures (souvent magnifiques d’ailleurs) de l’époque qu’il a ensuite recadrées et organisées pour qu’elle raconte une histoire : celle de Victorine, une parisienne lambda et Lavalette, un responsable du comité républicain et à travers eux de la Commune ! Et le résultat est impressionnant. Captivant et édifiant, il rend hommage à ces oubliés de l’Histoire et rappelle quelques vérités. À commencer par les desseins de chacun : l’avènement d’une société plus juste et égalitaire pour les Communards et « le retour à l’ordre » pour les versaillais ; le déroulement exact des événements : l’aide apportée par les Allemands aux versaillais ou la brutalité extrême de leur riposte avec le nombre hallucinant d’exécutions sommaires (on pense qu’il y en eût 20 000) ou le peu de compassion démontrée par les républicains non-communards, notamment de la part de grandes figures comme Zola, dont les articles vilipendaient, avec haine et violence (« le râle de cette Commune maudite et horrible. Que l’œuvre de purification s’accomplisse » écrivit-il au sujet des exécutions...), les communards. Des articles qui ont été, plus tard, compilés dans un livre (aujourd’hui épuisé) au titre bizarrement actuel : La République en Marche ! Une trilogie à ne pas manquer !