Le blog du petit carré jaune : « On se retrouve un siècle et demi en arrière, dégustant l’histoire de France »

Une critique du tome 1 des Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan, le 25 avril 2018

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Mais qui est donc ce Lavalette qui a habité l’immeuble de l’auteur de ce magnifique récit dessiné ? Qui est cet homme qui, un siècle et demi auparavant, est monté sur les barricades, dans les tribunes des hémicycles parlementaires et politiques parisiens, qui a bataillé auprès des plus grands communards et hommes politiques ? Quelle est son histoire intime, celle qu’il l’a conduit des faubourgs du Nord-Est de Paris, des quartiers où seuls la misère, l’alcoolisme, le bas peuple, les maladies, la mort rodent à la prise de la mairie de Paris, les collines de Montmartre, la révolte et la Commune en bandoulière. C’est en recherchant sa trace, marchant dans ses pas que Raphaël Meyssan va aller à la rencontre de cet homme et d’une des pages cachées de l’histoire de France : la révolution de 1871.

Basant son livre sur un formidable travail de recherche et de création, l’auteur a emprunté la technique de ce siècle si singulier dans la découverte journaliste et de la presse papier : la gravure et l’utilisation de l’eau forte. Et quelle réussite, prouesse ! On tourne les pages, se retrouvant un siècle et demi en arrière, dégustant l’histoire de France, montant sur les barricades et proclamant la Commune, l’insoumission aux mondes politiques et la capitulation face à la Prusse. On vit l’histoire de Lavalette et de Victorine, rencontrant Hugo et ses Misérables, Thiers et Ferry les vendus de la République, des titis parisiens aux yeux révoltés, des enfants encore nourrissons au ventre creux. La grande histoire côtoie celle qui est intime à la pauvreté parisienne, à ceux qui renvoyés dans les faubourgs pour laisser place au grand Paris et à ces boulevards haussmanniens ont donné le nom à une révolte, une révolution, la Commune.

Cet album est véritablement un roman graphique, le summum de ce que peut réunir la bande dessinée et les techniques graphiques. Il y a non seulement la recherche incroyable qu’a dû faire Raphaël Meyssan pour mener à terme l’histoire de Lavalette, la somme de documentations qu’il a dû trouver pour coller son récit à l’histoire quasi inconnue de La Commune. La réalité des propos est tellement tenue qu’on ne sait plus si Meyssan a inventé ou s’est réellement inspirée d’une histoire réelle pour nous mener dans les pas de cette page d’histoire. Il croise les rapports de police, les documents trouvés en bibliothèques, les archives et nous dresse un portrait étonnant d’un Paris se transformant architecturalement et sociologiquement. C’est incroyable la richesse lue. On vit l’évènement comme si on se trouvait dans les pages, les gravures découvertes.

Graphiquement, Meyssan s’est inspiré des gravures de la cette époque, utilisant la typo liée, l’eau forte ou encore les encres noires. On y trouve une collection de cartes, des dessins nous rappelant les barricades parisiennes, Gavroche ou encore les grands orateurs politiques s’invectivant dans les tribunes des parlements parisiens. Une iconographie vaste et à la fois très précise qui nous renvoie aux moindres détails vestimentaires ou figuratifs. Du grand art.

Un album qui m’aurait rebuté facilement si la tension donnée et la richesse graphique ne m’avait pas chamboulé. Une réelle découverte historique.

(Lire la critique des Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan sur « Le blog du petit carré jaune »)